4ème de couverture : Joseph a douze ans lorsqu’il découvre dans son village de Géorgie le corps d’une fillette assassinée. Une des premières victimes d’une longue série de crimes. Des années plus tard, alors que l’affaire semble enfin élucidée, Joseph s’installe à New York. Mais, de nouveau, les meurtres d’enfants se multiplient… Pour exorciser ses démons, Joseph part à la recherche de ce tueur qui le hante. Avec ce récit crépusculaire à la noirceur absolue, R. J. Ellory évoque autant William Styron que Truman Capote, par la puissance de son écriture et la complexité des émotions qu’il met en jeu.
La blogosphère a souvent raison et la preuve en est une nouvelle fois faite avec ce premier roman traduit en français de R.J. ELLORY.
Une lecture commune pour un livre pas si commun. Y ont participé Canel, Del, Liliba et Jules.
Dès les premiers mots, le ton est donné, une ambiance de désespoir, un sentiment de solitude parmi la multitude.
« Coups de feu, comme des os se cassant.
New York : sa clameur infinie, ses rythmes métalliques âpres et le martèlement des pas, staccato incessant ; ses métros et cireurs de chaussures, carrefours embouteillés et taxis jaunes ; ses querelles d’amoureux ; son histoire, sa passion, sa promesse et ses prières.
New York avala le bruit des coups de feu sans effort, comme s’il n’avait pas plus d’importance qu’un simple battement de cœur solitaire.
Personne ne l’entendit parmi une telle abondance de vie.
Peut-être à cause de tous les autres bruits.
Peut-être parce que personne n’écoutait.
Même la poussière, prise dans le clair de lune filtrant par la fenêtre du deuxième étage de l’hôtel, soudain déplacée sous l’effet des coups de feu, reprit son chemin errant mais régulier.
Rien ne s’était produit, car c’était New York, et de telles morts solitaires et insoupçonnées étaient légion, presque indigènes, brièvement remémorées, oubliées sans effort.
La ville continuait de vaquer à ses occupations. Un nouveau jour commencerait bientôt, et rien d’aussi insignifiant que la mort ne possédait le pouvoir de les différer.
C’était juste une vie, après tout ; ni plus, ni moins. »
Voilà, vous avez tout le prologue. Je n’ai pas réussi à me décider à en couper. A un moment du roman, Joseph Vaughan et un de ses amis discutent des premières phrases des romans et de leur importance. En voici un bel exemple, après une telle entrée en matière, j’étais déjà totalement conquise.
Bien sur, la suite aurait pu me décevoir. Elle aurait pu, mais fort heureusement, ça n’a pas été le cas.
Joseph grandit dans une petite ville de Géorgie. Tout au long de son enfance, un tueur d’enfants sévit et la personnalité entière de Joseph va être façonnée selon la perception qu’il a de ces crimes. Il ressent un fort sentiment de culpabilité comme s’il avait pu empêcher que ces horreurs ne se produisent et cette quête du tueur va le poursuivre sa vie durant. Enfant brillant et ayant un don certain pour l’écriture, il partira à l’aube de ses 20 ans pour New York où il espère se fondre dans l’anonymat qu’offre cette mégapole et ainsi oublier peut-être la ville d’Augusta Falls et les malheurs qu’il a subis.
« Peut-être cette idée fut-elle précipitée par mes lectures, par la prise de conscience qu’il y avait un monde au-delà d’Augusta Falls, un monde où l’étroitesse d’esprit, l’amertume et le ressentiment ne compteraient pas. L’anonymat m’attirait, l’anonymat d’une grande ville pleine de vie et de gens, si riche de bruit qu’un simple visage, une simple voix, se remarqueraient à peine. Peut-être cette idée était-elle ma manière de fuir tout ce qui s’était passé »
Le récit alterne entre ce que j’appelle la voix off, c’est-à-dire les pensées et souvenirs de Joseph adulte, à ce jour et les chapitres relatant son enfance, lorsque le narrateur n’a pas encore conscience de tous les évènements qui vont se dérouler.
R.J ELLORY tient ainsi son lecteur bien accroché puisque si nous connaissons une partie du dénouement, nous mourons d’envie de savoir comment il en est arrivé là. Les pages se tournent sans effort, la plume de l’auteur m’a ravie, elle est d’une rare efficacité, gardant un rythme soutenu mais sans être heurtée malgré tout.
Une ambiance oppressante et étouffante se met en place, empreinte d’une certaine inéluctabilité, et pourtant, à l’inverse du narrateur, nous gardons espoir.
Cependant, je n’ai pas été très surprise par la découverte de l’identité du tueur d’enfants, je l’avais deviné (enfin je m’en doutais) à peu près au premier tiers du livre. Et d’ailleurs, c’est ce que j’ai aimé aussi dans ce roman, le fait que l’auteur ne nous prenne pas pour des idiots, glisse des indices sur le tueur, ce qui m’a permis de me sentir impliquée.
C’est pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, que je ne pense pas à évoquer maintenant, que j’ai eu un véritable coup de cœur pour ce roman. Les deux suivants étaient déjà dans la LAL, ils vont bientôt passer dans la PAL.
« Je supposais que comme je n’avais plus de larmes en moi, le ciel pleurait à ma place. »
« Avec le recul, ma vie ressemblait à une série d’incidents reliés les uns aux autres. Comme une suite de wagons de marchandises qui auraient déraillé, chacun indépendant et pourtant rattaché au suivant. L’un des wagons avait quitté les rails – peut-être la mort de mon père – et à partir de là, tout avait rapidement, résolument, suivi. J’en étais venu à croire que j’étais prisonnier de ces wagons, et que si je ne me désengageais pas, je finirais par basculer dans le vide. »